Les alliés inattendus
L’homme qui observe les oiseaux aura tôt remarqué que toute attaque aérienne déclenche des cris d’alarme de la part des sentinelles.. Ces « chiens de garde » de nos jardins sont toujours les mésanges (bleues et charbonnières) et les corvidés qui entretiennent, pour ces derniers, des relations très tendues avec les rapaces. Le Corbeau Freux, la Corneille Noire et la Pie Bavarde (particulièrement active), harcèlent et houspillent systématiquement, seuls ou en groupe, tout rapace entrant sur leur territoire au moyen de piqués très risqués allant jusqu’au contact. Ces attaques visent à agacer et donc décourager le rapace qui est escorté jusqu’aux limites du territoire en y laissant quelques plumes parfois..
Notre soit-disant « cleptomane » noire et blanche compte, à ses dépens, parmi les animaux les plus intelligents.. Ses extraordinaires facultés d’adaptation ont fait d’elle un opportuniste omnivore, à l’aise dans les villes comme dans les campagnes où la guerre lui a été déclarée depuis fort longtemps.. Du statut d’espèce non protégée, elle est presque partout passée à espèce nuisible, au point que plus de 400 000 d’entre elles ont été supprimées en France pour la seule année 1999..
« Voleuse » la pie ? Pas folle en tout cas
Dotée d’une mémoire et de facultés d’apprentissage exceptionnelles, la pie bavarde enseigne à ses jeunes le cleptoparasitisme, c’est à dire l’art de dérober des proies à d’autres animaux.. Qui sait qu’elle réussit toujours le test du miroir là même où le chien échoue ? .. Elle a non seulement conscience d’elle même mais elle reconnaît et enregistre le visage de chaque humain ! .. Elle mémorise le physique des hommes qui lui veulent du bien et fuit les autres !! De plus, l’observation montre qu’il existe une véritable solidarité non seulement entre les pies elles-mêmes mais avec les autres espèces qui ont appris à profiter de ces formidables gardiens. La nature est bien faite.. Il suffit de prendre le temps d’observer.. Mes vieux pigeons voyageurs se précipitent sur les trappes des spoutniks dès lors que le cri d’alarme « attention rapace » des pies et des mésanges retentit.. Plus attentif que jamais, je m’interrogeai : « Suffirait-il d’en posséder ? »
un allié sans égal
La stupéfiante facilité de la pie bavarde à s’adapter à toute situation en fait un formidable oiseau de compagnie dès lors qu’elle est bien installée et capturée jeune.. Depuis le printemps 2018, j’en possède quelques unes, parfaitement domestiques mais qui n’acceptent la nourriture que de ma seule main cependant.. Il s’avère que ces oiseaux, en permanence sur le « qui-vive » , donnent non seulement l’alerte à mes voyageurs qui ont vite assimilé le sens de ces avertissements, mais font également rappliquer des renforts (leurs semblables sauvages) qui se chargent de chasser les agresseurs.
Depuis un an, il en résulte une diminution des attaques et des pertes de mes voyageurs de plus de la moitié grâce à des oiseaux que « moi » je protège et qui sont, en échange de quelques croquettes et restes de repas, aussi efficaces .. qu’un chien !! Une pie captive jacassera en pleine nuit dès lors qu’un individu s’approchera ..
DE l'intelligence des corvidés
L’animal n’a pas conscience que son temps de vie est compté et qu’il est, comme tout être vivant, inéluctablement condamné à une mort certaine. En ce sens, les animaux vivent dans l’instantanéité du moment, adaptant et adoptant le comportement qui leur semble le plus approprié à une situation à court terme, qui peut être une pulsion, un stress, un devoir de protection ou un .. décès .. La pie bavarde se démarque là encore et voici ce que j’ai pu observer.. Chaque couple de pie qui arrive à se reproduire au printemps élève une couvée de trois à dix jeunes..
La famille ainsi constituée forme une bande vagabonde qui reste très unie sur son territoire jusqu’à la fin de l’automne suivant et parfois bien au delà.. Durant cette période, toute intrusion d’une autre famille donne lieu à de bruyantes querelles et spectaculaires poursuites de groupes.. Si, à l’issu d’un combat, une pie vient à mourir, son clan organisera de véritables funérailles, se relayant pour aller chercher des branchages pour recouvrir le corps, alors qu’une sentinelle (encore!) montera la garde. Il ne s’agit pas là d’un vulgaire instinct mais d’une véritable prise de conscience car le cadavre d’une pie découvert par un autre clan est aussitôt assimilé à un repas par ce dernier qui montrera toutes ses qualités de charognard-dépeceur-équarrisseur..
Dans ma volière, la scène s’est produite il y a quelques mois et tout le groupe a déchiré la bâche plastique pour recouvrir le corps de la défunte.. La bâche n’avait jamais été touchée auparavant et les oiseaux se montraient particulièrement agressifs face à leurs congénères libres attirés par leurs vocalises probablement porteuses de messages.. Ce comportement funeste est systématiquement observé chez .. les éléphants !! A méditer..
En conclusion, je ne revendique rien mais je me permettrais de dire à ceux pour lesquels les animaux ne comptent pas, que ces derniers ont compris bien mieux que l’humain que la seule chose qui importe dans la vie c’est vivre, c’est protéger sa vie, sa descendance et son habitat par tous les moyens au prix de risques et de dépenses énergétiques incroyables. J’ai pour ma part, avec mes pigeons voyageurs et mes corvidés, la chance d’avoir à domicile deux de ces formidables exemples et l’humilité d’affirmer que les animaux, de par leur comportement, donnent aux humains de sacrées leçons de vie..